Avec la fin de la guerre en Libye, de nombreux Touaregs maliens, qui servaient dans l’armée de Mouammar Kadhafi, ont pris la route du retour, direction le Sahel au nord du Mali. Aujourd’hui, la présence de ces anciens combattants inquiètent les autorités maliennes, qui craignent notamment qu’ils ne viennent grossir les rangs du mouvement autonomiste implanté dans la région.
Les Touaregs sont une communauté nomade d’environ 1,5 million de personnes, réparties entre le Niger, le Mali, l’Algérie, la Libye et le Burkina Faso. Depuis l’indépendance du Mali en 1960, les Touaregs se considèrent "marginalisés" par les autorités, que ce soit dans l’exercice du pouvoir ou de leurs droits économiques et sociaux. Après trois rébellions (en 1963, 1990 et 2007) et un accord de paix signé avec Bamako en 2006, la communauté touareg continue de réclamer l’autodétermination de l’Azawad, la zone sahélienne du Mali, où elle est majoritairement implantée.
Avec le retour des anciens combattants de Libye, dont certains sont d’anciens membres de la rébellion de 1990, les tensions entre les Touaregs du Mali et les autorités de Bamako se sont accrues. Ces dernières craignent une réactivation du mouvement autonomiste mais aussi que la situation sécuritaire du Sahel, où sont disséminés les islamistes d’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique), ne se dégrade. Une semaine après la mort de Mouammar Kadhafi, marquant la fin de la guerre en Libye, le gouvernement malien a dépêché une délégation dans le nord désertique pour amorcer des discussions avec les chefs de la communauté touareg à un moment où, selon les spécialistes, ces derniers durcissent leur discours contre l’État malien.
La manifestation du MNLA à Kidal le 1er novembre. Photo envoyée par un Observateur.
Le 16 octobre dernier, l’organisation "pacifique" du Mouvement national de l’Azawad (MNA), une des principales organisations qui réclament l’autonomie de la région, s’est alliée au Mouvement Touareg du Nord Mali (MTNM), une faction armée dirigée par un chef rebelle, Ibrahim Ag Bahanga, mort en août. Le MNA est alors devenu le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui, selon la presse malienne, laisse planer la menace d’une nouvelle rébellion touareg.
Le 1er novembre, des centaines de Touaregs des villes de Kidal, de Ménaka, de Gao et de Tombouctou, toutes situées dans l’Azawad, ont répondu à l’appel du MNLA à marcher dans les rues pour célébrer le 1er anniversaire du mouvement créé il y a un an.
Contributeurs
"Nous avons accueilli les Touaregs rentrés de Libye à bras ouverts"
Mohamed Ali est un étudiant touareg de 28 ans, membre du MNLA, qui vit entre Bamako, la capitale malienne et Ménaka, au nord est du pays.
"Les Touaregs ont accueilli les anciens combattants revenus de Libye à bras ouverts. Certains sont rentrés au Mali avec des armes [que les autorités maliennes tenteraient aujourd’hui de racheter]. Mais nous n’entendons pas nous laisser dépasser par la situation. Cette vague de combattants ne doit pas être prise à la légère, c’est dans cette logique que nous avons fusionné avec le Mouvement Touareg du Nord Mali. Cela nous permet aujourd’hui de les intégrer à la branche armée de notre mouvement. Nous parviendrons à canaliser ces anciens combattants ainsi que les armes en circulation.
Depuis des années, les autorités maliennes accusent les Touaregs de tous les maux de la région. Elles considèrent entre autre que nous soutenons la présence d’AQMI dans la région et l’islamisation qui a suivi, mais aussi les trafics de drogue [Les Touaregs qui ont rejoint des poches d’AQMI dans la zone du Sahel ne seraient que minoritaires]. Et depuis la fin de la guerre en Libye, elles sont persuadées que les anciens combattants touaregs rejoindront les rangs d’AQMI, ce qui accroîtrait l’ "instabilité" du Sahel. Mais nous en avons assez de tous ces amalgames.
"Si l’État malien continue d’ignorer nos revendications, nous envisagerons une lutte armée"
Nous voulons montrer que nous ne sommes ni des islamistes, ni des trafiquants, tout comme les Touaregs qui ont servi dans l’armée de Kadhafi. Ceux-là avaient quitté le Mali il y a plusieurs années parce qu’ils étaient au chômage et ne supportaient plus d’être délaissés par l’État.
Notre combat est avant tout politique. Nous demandons l’autodétermination du nord du Mali car nous nous estimons capables de développer et de sécuriser nous-mêmes ce territoire et notamment contre l’implantation d’AQMI [Certains groupes armés de retour de Libye ont lancé un ultimatum aux membres d’AQMI dans la région afin qu’ils quittent la zone]. Nous voulons parvenir à cette autonomie de manière pacifique, en y associant toutes les communautés du Nord. Mais si le gouvernement continue d’ignorer nos revendications, nous pourrons envisager une lutte armée."
La manifestation du MNLA à Kidal le 1er novembre. Photos envoyées par un Observateur.
Ce billet a été rédigé avec Peggy Bruguière, journaliste à FRANCE 24.Fonte: http://issalane.blogspot.com
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