Depuis l’âge de 17 ans, je suis dans toutes les manifs, les grèves. J’ai été tabassé plusieurs fois, renvoyé de la faculté alors qu’il ne me restait qu’une année pour devenir ingénieur, j’ai été arrêté d’innombrables fois, dont la dernière a failli me coûter cinq ans de ma vie. Cinq ans sans pouvoir voir ma fiancée, sans être en dehors à continuer mon chemin, sans ma famille, mes copains et mon quartier. J’ai été interdit de travail, jeté dans la misère.
Et je continuais à protester et à manifester. Non pas parce que j’ai un ver qui me troue le cul, mais parce que je voulais que moi et tous les enfants de mon pays puissent devenir les maîtres de notre destin. Pour être plus libre.
En finir avec l’ancien système, une bonne fois pour toute
Défendant la liberté et la démocratie, je me suis joint aux manifestants de Kasbah 1 et Kasbah 2, criant haut et fort la demande de l’assemblée constituante.
Tout en sachant que la démocratie ramène avec elle le virus fasciste, je continue à la défendre, pour qu’on puisse peut être arriver à une forme, un modèle démocratique qui soit meilleur que ceux proposés. C’est peut être assez utopique pour le moment, mais je m’en fous. Ayant défendu la démocratie, j’assume qu’elle peut ne pas aboutir à ce que je veux. Et ce n’est pas un problème.
Par rapport à l’analyse que je porte, je vois que la meilleure solution serait d’abolir l’Etat en tant que système, de casser la systématique de domination économique. Ce n’est pas l’avis de tout le monde, et ça ne me pose aucun problème.
Ce que je sais, c’est que la Constituante est la solution pour en finir avec l’ancien système une bonne fois pour toute.
Je refuse que l’on rate ces élections
Etant descendu contre lacrymos et matraques pour la défendre, je savais ce que je faisais. Ayant payé de ma chair mes convictions pour une Tunisie qui soit meilleure envers ses Tunisiens, ayant failli perdre tout, je refuse que l’on rate ces élections.
Je refuse de comprendre ceux qui étaient à mes côtés dans la rue à demander la Constituante, et qui appellent maintenant à son boycott, par « révolutionnisme » ou par « gauchisme enfantin ».
Protester est un art à part. On proteste pour demander/imposer/réclamer quelque chose, non seulement par manque d’adrénaline. Un bon joint dans la maison, une série de prières, une sortie entre copains vaut mille fois la poussière et les tempêtes de battements de cœur.
Je refuse d’avoir perdu une bonne partie de ma vie en vain. Et que l’on ne vienne pas me dire : « Les martyrs ne sont pas morts pour les élections, il faut leur rendre justice. » Déjà qu’on est quasiment tous d’accord que justice doit être faite. N’oublions pas que l’humain est tout sauf un être « uni-process ». L’humain peut faire deux, trois, quatre, cinq, six et plus l’infini de choses au même moment.
Voter, faire son choix de vie et de gouvernance n’interdit pas de maintenir la pression pour la justice.
Si les martyrs sont morts, c’est parce qu’aux yeux de l’Etat (qui continue de pré-exister même sous une forme transitoire), ils ne comptaient pour rien, ils ne voulaient rien dire. C’est notre occasion de leur rendre hommage. Votons pour faire tomber le système, votons pour qu’ils aient vraiment un sens. Ils sont morts en cherchant à vivre, en réclamant leur droit à décider de leur destin.
Si c’est toi, moi, eux, et nous tous qui faisons les lois de marché et les lois de travail, nous résoudrons le problème du chômage, l’un des moteurs principaux des premières émeutes. Cette dite révolution se veut être une révolution de « dignité ». Quoi de plus réconfortant pour la dignité que de décider de son propre sort ?
De la Constituante commencera à jaillir la nouvelle Tunisie
Ces élections sont la mission la plus révolutionnaire. Vous savez pourquoi ? Parce que de la Constituante commencera à jaillir notre nouvelle Tunisie. Mais, camarades, amis, frères ou même aliens si vous le voulez, ça ne va pas finir aux élections. A partir du 24 octobre, on reprend les rues, on reprend la contestation pour contrôler de près la Constituante. Pour nous imposer, jeunes et moins jeunes, mâles ou femelles, homo ou hétéro, en tant que véritable décideur de notre sort.
Entre temps, que chacun choisisse le parti, les hommes, les femmes qui lui semblent les plus proches à sa perception. Sinon, présentez-vous. Mais ne ratez pas les élections. Nos martyrs sont morts à cause de l’ancien système, ne les laissons pas tomber, abolissons le système. N’avons-nous pas dit « le peuple veut l’abolition du système » ? C’est par la Constituante qu’on réussira à le faire tomber.
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