domenica 8 maggio 2011

08-05-2011 -- TUNISIE / Report de la date des élections

• Octobre ou novembre seraient mieux indiqués
 • Lundi, élection des 16 membres de la Commission supérieure indépendante des élections

Après de longues semaines de débats, parfois houleux, marqués par des tensions et des démissions, autour de la mouture du projet du code électoral et suite à moult tractations, le gouvernement de transition et le Conseil de l’Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique sont finalement tombés d’accord sur la formulation du fameux article 15 concernant l’inéligibilité des anciens responsables RCD. Adopté vendredi par le Conseil des ministres, cet article interdit aux personnes ayant assumé des responsabilités au sein du gouvernement du président déchu de présenter leur candidature, à l'exception des membres de ce gouvernement n'ayant pas appartenu au Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD-dissous). Il ne permet pas, également, aux  personnes qui ont occupé des postes de responsabilité dans les structures du RCD, sous le régime du président déchu, de se présenter aux prochaines élections de la Constituante. Les responsabilités concernées seront déterminées par décret, sur proposition de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution. Il en est de même pour les personnes qui ont appelé le président en fuite à renouveler sa candidature à l'élection présidentielle de 2014. Cette liste sera établie par la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution.

Agir sans haine ni vengeance
Cette bataille terminée, on s’attend à une autre bataille, probablement, aussi rude que la première. Elle sera engagée cette fois-ci autour de la détermination des responsabilités au sein de l’ancien RCD et la liste des personnes ayant appelé l’ancien président à se représenter pour les élections de 2014. Sur ces deux questions, M.Iadh Ben Achour, président de l’Instance, reste optimiste, bien que la porte des interprétations demeure grande ouverte. «Il faudra, nous confie-t-il, faire preuve de beaucoup de bon sens pour ne pas tomber dans l’inquisition et la chasse aux sorcières. Nous devons être à la fois justes et équitables. Sur ce plan, ce ne sera ni 10 ni 23 ans, mais  plutôt un système de sélection qui tienne compte de plusieurs paramètres dont, notamment, l’implication dans des affaires de corruption, de détournement de fonds ou encore dans la torture. Aussi faut-il rappeler que les premiers pas de l’ancien régime ont séduit presque tout le monde avec sa fameuse déclaration, son pacte national, l’amnistie qui a été proclamée, le retour des exilés politiques, la réforme de la Constitution de 1988 qui avait aboli la présidence à vie et la création du Conseil constitutionnel. Tout cela avait fait croire à l’ouverture du régime et plusieurs personnalités indépendantes ou partisanes venues même de l’opposition, du monde politique et autres ont été sollicitées pour apporter leur contribution à la réalisation de ce nouveau processus qui, malheureusement, s’est avéré par la suite une véritable imposture et un produit attrape-nigauds». La tâche est loin d’être une sinécure et le Conseil de l’Instance risque de se retrouver, de nouveau, dans une situation de confusion totale et de tiraillement et chaque membre pourrait y aller  de sa propre interprétation. Il y a ceux qui admettent que le début de la dictature date des élections de 1989 alors que d’autres le renvoient à 1992 qui a marqué le début des années de plomb avec la traque des islamistes, le verrouillage du régime, le harcèlement des défenseurs des droits de l’homme et le quadrillage des médias. D’autres encore, les plus enclins à la réconciliation, se limitent aux dix dernières années qui ont vu la modification de la Constitution pour permettre à l’ancien président de briguer de nouveaux mandats. «L’interprétation ou l’Ijtihad, explique M.Ben Achour, se fera à un double niveau, au niveau du temps et au niveau des responsabilités. Mais, je suis confiant que nous arriverons à un consensus, loin de tout sentiment de vengeance ou d’excès». Quant à la liste des «mounachidines», c’est-à-dire ceux qui ont lancé des appels à l’ancien président pour briguer un nouveau mandant en 2014, la question est encore plus complexe. Comment et par quels moyens va-t-on déterminer les listes, surtout quand on sait que plusieurs personnes dont les noms ont figuré sur ces fameuses listes n’ont même pas été informées ni consultées ? Et puis quelles listes, la toute première, celle des soixante cinq ou la deuxième, celle des mille ou encore celles que certains journaux ont délibérément sollicitées auprès de leurs lecteurs et qui comptent des milliers ? Autant de questions qui prouvent la difficulté de l’opération et sa complexité. «J’en conviens, répond le président de l’Instance qui ajoute : nous recevons régulièrement des dizaines de réclamations de la part de personnes qui affirment n’avoir pas adhéré de manière spontanée à la cohorte des «mounachidines» et que, par conséquent, elles souhaitent être radiées de la liste. Ce qui prouve que le mensonge a été érigé en système qui prenait les citoyens pour des sujets».
Alors que faire ? «Nous allons établir la liste à partir de celles qui ont été publiées dans les journaux. En cas de litige, la Commission supérieure indépendante des élections demandera aux journaux concernés de fournir les preuves de l’adhésion spontanée des personnes concernées, c’est-à-dire les signatures, les numéros des pièces d’identité ou encore l’adresse e-mail, si cela s’est fait par envoi électronique». Et d’jouter, «une commission conjointe entre le gouvernement et l’instance sera créée à cet effet. Elle se penchera sur cette épineuse question pour tenter de préparer un projet consensuel. Toutefois, cette question d’exclusion ne concernera, enfin de compte, qu’un nombre restreint de personnes parmi celles qui seront tentées par une éventuelle  candidature aux élections de la Constituante. C’est pourquoi il faudra dédramatiser la situation et non la surdimensionner d’autant plus que les moyens de recours seront possibles».Et puis, ajoute M.Ben Achour, «il faut aussi faire confiance à la justice qui n’est pas un rouleau compresseur qui broie tout sur son chemin. Elle est plutôt une machine juste et équitable.»

Encore quelques mois pour être fin prêt
L’élaboration de la loi électorale, le débat qu’il a suscité avant  son adoption par le Conseil de l’Instance et puis par le gouvernement ont pris beaucoup plus de temps que prévu. Sa promulgation, initialement prévue avant le 31 mars dernier, ne se fera finalement qu’au cours de la semaine prochaine. Soit avec plus de deux mois de retard, c’est-à-dire à quelque 75 jours de l’échéance du 24 juillet. Trop court pour préparer convenablement les premières élections libres de l’histoire du pays. «Tout à fait», réplique M. Ben Achour, avant d’ajouter : «L’opération électorale devra être entourée de toutes les garanties nécessaires pour assurer sa totale réussite. Cette opération est compliquée et exige une logistique à la fois lourde et coûteuse. De l’établissement des listes des électeurs à la proclamation des résultats, en passant par le découpage des circonscriptions électorales, les bureaux de vote, le choix et la formation du personnel en charge de ces élections…plusieurs étapes sont, en fait,  indispensables et cela nécessitera beaucoup de temps et d’effort». Les élections seront-elles alors repoussées ? «C’est très probable, d’autant plus que la commission supérieure indépendante qui sera chargée de l’organisation des élections n’est pas encore constituée. Demain lundi, nous procèderons au sein de l’Instance au choix de ses 16 membres parmi les 70 candidats présentés par les instances concernées». Il faudra encore deux à trois mois pour être fin prêt pour cette importante échéance.  C’est pourquoi octobre ou novembre seraient mieux indiqués pour le déroulement des élections. La question est entre les mains du gouvernement de M.Béji Caïd Essebsi qui jugera de l’opportunité de la date.
Pour revenir au mode de scrutin adopté, celui des listes à la proportionnelle avec les plus forts restes et qui favorise beaucoup plus les partis politiques, M.Ben Achour confirme que la commission des experts avait  au départ préparé deux formules, mais c’est le Conseil de l’Instance qui a opté pour ce système. «D’ailleurs, souligne-t-il, l’adoption du projet de la loi électorale a nécessité quatre votes séparés, un premier vote sur le mode  de scrutin lui-même, un second sur la parité à caractère facultatif ou obligatoire et c’est le caractère obligatoire qui a été choisi, puis un troisième sur l’article 15 avec les 10 ou les 23 ans d’inéligibilité des anciens responsables RCD et enfin un quatrième vote sur l’ensemble du code, lequel a été adopté à l’unanimité moins cinq voix(abstentions des représentants de l’Ugtt). D’ailleurs et en dépit des tensions et autres bisbilles qui ont émaillé les travaux de l’Instance, inhérentes à mon avis à toute structure démocratique, je pense que l’Instance s’est bien acquittée de ses missions et a eu le grand mérite d’élaborer la loi électorale qui permettra à la Tunisie d’accéder enfin au rang des pays démocratiques, sans aucun apport étranger». Allusion aux déclarations de l’ambassadeur chef de la Délégation européenne auxquelles l’Instance a apporté un démenti. Et les démissions ? «Pour le moment je n’en ai reçu aucune», réponse un peu diplomatique si l’on sait que trois ou quatre membres ont déjà annoncé leur départ.
Toutefois, renchérit M.Ben Achour, «j’ose espérer que le conseil dans sa composition  pluraliste  constitue un véritable lieu d’apprentissage de la démocratie, même avec ses débats houleux». M.Ben Achour ne doute pas que «les Tunisiens qui ont été longtemps sevrés de ce genre de débats francs pardonneront à  certains membres de l’Instance leur écart de langage ou de conduite, lesquels membres sauront faire amende honorable. Le plus important, demeure dans le cas de l’espèce de continuer l’œuvre entreprise pour assurer les bonnes conditions de la transition démocratique».
Et quelle suite pour les travaux de l’Instance ? «Beaucoup de travail reste à faire, répond notre interlocuteur. Lundi 8 mai, nous allons procéder à l’élection des 16 membres de la commission supérieure indépendante des élections parmi les 70 candidats proposés par les structures concernées. Un décret sera proposé à la signature du  président intérimaire avant sa publication dans le Journal officiel.» Et où en est le texte du pacte républicain ? «Les discussions autour de ce pacte ont été suspendues pour se consacrer à la finalisation de la loi électorale. Mais elles reprendront bientôt. Ce pacte, explique le président de l’Instance, est une convention, solennelle entre les différentes parties. Par conséquent, il ne devrait pas, à mon sens,  avoir un caractère coercitif. Les signataires s’engageront à respecter un certain nombre de valeurs communes à tous les Tunisiens. Et même s’il n’a pas une valeur juridique, l’engagement moral a autant de force que l’engagement écrit».
Inquiet de la situation qui prévaut actuellement dans le pays ? «Oui, mais comme je suis de nature optimiste, je demeure persuadé que nous saurons dépasser les clivages et surmonter les difficultés pour arriver à bon port. La transition démocratique doit se poursuivre de manière inéluctable, dans le calme et la sérénité»
Puisse Dieu exaucer ce souhait qui est celui de tous les Tunisiens.

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