REBELLES LIBYENS | Hashim Khalid Bishr, un des chefs militaire rebelle à Tripoli, nous accorde une rare interview
Davide Vignati Tripoli
Hashim Khalid Bishr, jihadiste, est le numéro deux dans la hiérarchie des forces rebelles à Tripoli après Adelhakim Belhaj. Hashim a conduit l’attaque contre Tripoli et coordonne le siège de Bani Walid qui était hier sur le point de tomber.
Savez-vous où se trouve en ce moment Muammar Kadhafi?
Très certainement dans la région de Ghat, au sud du pays, près de la frontière entre le Niger et l’Algérie. Il n’a pas encore quitté la Libye.
De combien d’hommes dispose encore le colonel?
Je dirais moins de deux milles, sûrement avec le moral à zéro, qui sont en train de réaliser qu’ils sont encerclés et qu’ils n’ont plus aucune marge de manœuvre. Ils ne représentent plus une menace.
Kadhafi peut-il fomenter, depuis le désert, une guérilla de résistance comme il en avait fait la menace?
Non. Je dirais que les seules menaces qu’il pourrait encore financer sont des attentats à la bombe ou des attaques ciblées, car Kadhafi dispose certainement encore d’hommes très fidèles à travers tout le pays, notamment ici à Tripoli.
Selon vos prévisions, quelle sera l’issue de cette guerre?
J’espère que les dernières ouailles des forces de Kadhafi décideront de se rendre plutôt que de combattre à outrance, en évitant ainsi de nouvelles victimes inutiles.
D’après vos estimations rendues publiques début septembre, le bilan des victimes de ces six mois de conflit avoisinerait les 50 000 morts. Confirmez-vous? Combien d’hommes sont tombés dans vos propres rangs?
Certainement bien davantage que parmi ceux de l’armée de Kadhafi, qui au début de la révolte n’hésitaient pas à tirer sur la foule à chaque manifestation publique. A Tripoli, par exemple, rien que pendant la nuit du 20 février, les militaires du colonel ont décimé plus de 600 civils non armés qui manifestaient sur la place des Martyrs. Ça a été un massacre et il y en a eu beaucoup d’autres… Difficile de dire quel sera le prix en sang payé pour notre révolution.
Pouvez-vous estimer les pertes militaires de Kadhafi?
Plusieurs milliers. Rien qu’à Misrata, ce sont six bataillons entiers du colonel qui ont été annihilés. Idem à Tripoli, rien que dans le cimetière de As-Sidra au sud de la ville nous avons enterré 700 corps. Nous avons interrogé plusieurs prisonniers, parmi lesquels de nombreux officiers, et tout semble confirmer qu’entre les bombardements de l’OTAN et les altercations directes, les pertes pour Kadhafi ont été considérables.
La collaboration avec l’OTAN a également eu lieu sur le terrain? Pouvez-vous confirmer les fuites selon lesquelles des troupes d’élite françaises et anglaises œuvrent déjà depuis des mois en Libye?
Non, il n’y a eu aucune action militaire conjointe avec les troupes de l’OTAN. La seule coordination concerne les bombardements. Il n’y a pas de troupes combattantes occidentales en Libye.
Ni des instructeurs pour vos hommes?
Les seuls qui nous aient fourni une quelconque formation ont été certains instructeurs militaires du Qatar qui ont formé 25 de nos combattants qui sont, à leur tour, devenus instructeurs.
Une partie de votre hiérarchie miliaire a un passé jihadiste, ce qui préoccupe passablement les gouvernements occidentaux…
Je le sais, mais ça ne devrait pas être le cas. Je me suis moi-même distancé au cours des derniers sept ans de mes anciennes positions politiques. J’admire les talibans pour de nombreux aspects mais pour tant d’autres j’ai pris mes distances avec eux. Aujourd’hui personne en Libye ne veut mener une guerre sainte contre l’Occident. Oui, il est vrai qu’il existe des éléments jihadistes et liés à Al-Qaida, notamment parmi nos rangs, mais ils sont isolés. Le monde a changé, nous en sommes conscients. Nous combattons pour nous libérer d’une dictature et ramener la justice en Libye après 42 ans. Il nous faudra, au moins, encore probablement 30 ans pour pouvoir reconstituer la société libyenne, et cela sera possible uniquement s’il n’y a plus de violence ni d’abus. Nous voulons un avenir démocratique pour ce pays, où chacun traite son prochain comme il s’attend à être traité. S’il subsistait un ressentiment anti-occidental de notre part, la collaboration avec l’OTAN, sans laquelle l’armée de Kadhafi nous aurait détruits, n’aurait probablement pas été possible.
Quels ont été les problèmes avec la Force Atlantique?
Il y en a eu surtout au début, notamment parce que nous ne disposions nous-mêmes d’aucun commandement centralisé. Or le problème majeur de la collaboration militaire avec l’OTAN a été en termes d’image. Cette alliance avec les Occidentaux a initialement délégitimé notre crédibilité aux yeux d’une partie de la population qui critiquait le fait que pour faire la révolution nous recourrions à l’aide des Européens et des Américains, confortant ainsi les alliés de Kadhafi. C’est rapidement devenu une question morale dans le pays. Puis, avec l’augmentation de la violence du colonel contre les civils, l’intervention de l’OTAN a revêtu une nouvelle légitimation.
Traduction Julien Abegglen
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